Anonymes ? Des avantages de l'auteur méconnu

04.06 – 24.08.2014

Comme la plupart des musées, le Musée de l'Elysée possède dans ses collections un certain nombre d’œuvres cataloguées comme « anonymes ». Des photographies dont on ne connaît pas avec certitude - ou pas du tout – l’auteur. L’identité de cet auteur inconnu peut être parfois entr’aperçue par le biais du sujet, de la technique photographique ou du support. Le travail de recherche effectué par les documentalistes, les historiens et les conservateurs permet éventuellement d’éclaircir le mystère et de lier une photographie à un nom d’auteur. Parfois aussi, le terme d’« anonyme » est un raccourci appelé par la catégorisation nécessairement peu imaginative des bases de données, et recouvre des pratiques collectives ou non nominatives de la photographie. L’anonymat est ainsi fréquemment lié à la question de la photographie vernaculaire ou amateur, photographie peu prise en compte, jusqu’à récemment, par les institutions. Ce sont les artistes qui, les premiers, vont savoir reconnaître les charmes de la photographie vernaculaire et qui, à l’instar des Surréalistes, la mettront en lumière, la faisant basculer du côté de l’art.

Le Musée de l'Elysée donne ici la preuve de son intérêt pour la photographie vernaculaire, appliquée ou amateur, en montrant, d’une part, une sélection de ses photographies anonymes, et, d’autre part, une série d’œuvres contemporaines emblématiques de sa politique d’achat.

Lorsque l’auteur d’une photographie est anonyme, notre imagination est stimulée et se met à construire des histoires, à tisser des possibles autour de l’image sous nos yeux. L’image anonyme nous offre un champ de créativité et de liberté, liberté saisie par un certain nombre d’artistes contemporains qui s’approprient des photographies trouvées dans des marchés aux puces et dans des galeries, ou sur Internet. Martin Crawl achète des photographies sur eBay et imagine des histoires, tisse des liens. Caroline Aubert-Neulas trouve des diapositives de femmes nues dans un vide-grenier et en fait une collection. Luciano Rigolini s’intéresse également à la photographie vernaculaire et collectionne des clichés auxquels il donne forme par le montage dans des publications, des expositions, des projections.

Objets trouvés, objets recherchés, ces images apparaissent comme des trésors de poésie, de décalage ou d’humour pour qui sait voir et mettre en valeur. On constate alors combien le regard fait l’œuvre, combien les sensibilités esthétiques changent selon le contexte, la culture, l’époque. On s’interroge sur le statut de l’auteur – qui se double ici d’un révélateur soit artiste, soit historien ou conservateur. Ainsi, du regard interprétatif du conservateur au geste appropriationniste et créatif de l’artiste, l’anonymat de l’auteur ouvre un espace vierge qui est colonisé avec bonheur.